Editorial : La problématique de la fiscalisation du foncier au Mali
Dans le cadre du dialogue public privé, le président du patronat malien, Mossadeck BALLY a réclamé à cor et à cri la collecte de la taxe foncière et la digitalisation du foncier à l’horizon 2033. C’était au conseil national du Patronat du Mali (CNPM), le jeudi 2 novembre 2023, lors du débat entre le ministre de l’urbanisme et de l’Habitat, Imirane Abdoulaye TOURE et les acteurs du secteur privé.
Cet appel du patron des patrons vient relancer une fois encore, le débat sur la fiscalisation du foncier au Mali, qui fait couler déjà beaucoup d’encre et de salive. Car, il représente un sujet complexe qui englobe de nombreux défis et enjeux, avec des inégalités foncières.
Au Mali, l’accès à la terre est un enjeu majeur, car, il y a d’un côté de nombreuses communautés qui dépendent de l’agriculture et de l’élevage pour leur subsistance. La fiscalisation du foncier peut entraîner des augmentations de coûts pour les petits agriculteurs, ce qui peut rendre l’accès à la terre encore plus difficile. Si fiscalisation du foncier il y aura, cela devrait être conçue de manière à ne pas entraver le développement rural et agricole, qui est crucial pour la sécurité alimentaire du pays.
Ce n’est certainement pas de cette couche sociale extrêmement pauvre et faible que parle le président du patronat en qualifiant d’injustice fiscale inacceptable, le fait de mettre la charge fiscale sur les entreprises du secteur formel et en épargnant le foncier, mais de la minorité de riches propriétaires terriens très puissante qui concentre entre ses mains, des vastes terres à perte de vue, des centaines de milliards en foncier. C’est aussi à cause de cette catégorie que la gestion foncière au Mali est souvent critiquée pour son manque de transparence et son potentiel de corruption. Alors si fiscalisation du foncier il y aura, elle doit s’accompagner de réformes pour garantir une gestion plus efficace, équitable et transparente des terres.
Avec la croissance démographique et l’urbanisation croissante, qui crée déjà une pression accrue sur les terres au Mali, comment imposer des taxes justes dans un domaine qui ne tient pas compte des inégalités pour favoriser une distribution plus équitable des terres ? La fiscalisation du foncier ne contribuera-t-elle pas à la spéculation foncière susceptible d’exclure les populations locales de l’accès à la terre à cause de cette pression foncière ?
Que dire des droits de propriété et conflits fonciers lorsqu’on sait que le Mali a souvent été confronté à des conflits fonciers ? La fiscalisation du foncier ne devrait-elle pas être accompagnée de mesures pour protéger les droits de propriété des citoyens et réduire les litiges fonciers ?
Sous d’autres cieux, la mise en place d’un système de fiscalisation du foncier nécessite des ressources financières, humaines et technologiques et cela a un coût. Le Mali est-il prêt à relever le défi de développer une infrastructure adéquate pour gérer efficacement ce processus ?
Somme toute, la fiscalisation du foncier au Mali est une question complexe qui touche à la fois les aspects économiques, sociaux et environnementaux du pays. Il est essentiel de mettre en place une politique foncière équilibrée, transparente et équitable pour répondre à ces défis tout en favorisant le développement du pays.
Charles le Bon MESSE