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Mali : Les résolutions majeures sur la réforme des codes pénaux et les impressions des participants

Les rideaux sont tombés le samedi 19 août 2022, sur l’atelier national de validation des avant-projets de loi portant code pénal et code de procédure pénale. C’était à l’hôtel Maeva sous la présidence du ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, Mamoudou KASSOGUE. Plusieurs résolutions ont été faites pour l’amélioration de ces textes et les impressions des participants ont été satisfaisantes.

Pendant 6 jours, des discussions ont été houleuses, mais courtoises. Les professionnels du Droit ont travaillé sur les avant-projets du code pénal et code de procédure pénale. A la fin des travaux, des résolutions ont été prises : Au niveau du code pénal, il faut le renforcement des infractions sur le foncier ; la criminalisation de l’homosexualité sans la nommer, dans une définition plus globale ‘’d’actes impudiques et contre-nature entre des personnes de même sexe ; la proposition d’une définition de l’adultère comme étant ‘’une relation extraconjugale commise par un conjoint’’ ; la suppression d’excuses légales et la rétention de l’âge de 16 ans pour le mariage des enfants comme indiqué dans le code des personnes et de la famille.

Selon le rapporteur Dramane DIARRA, les résolutions majeures au niveau du code de procédure pénale sont entre autres la prise en charge, par les codes de procédure pénale et civile, des voies de recours devant la Cour suprême prévues dans la loi n°2016-046 du 23 septembre 2016 portant loi organique fixant l’organisation et le fonctionnement de la Cour suprême et la procédure civile devant elle ; la mise en place d’un comité restreint pour examiner la question des mineurs en lien avec les groupes terroristes ; l’harmonisation de l’avant-projet du code procédure pénale avec plusieurs textes existant, dont les textes OHADA, la loi du 29 septembre 2021 instituant le Pôle national économique et financier ; le code de protection d’enfants en projet et la loi sur la minorité et l’imprescribilité de la haute trahison.

Charles MESSE

REACTIONS DES PARTICIPANTS

Idrissa TOURE : Procureur de la République, près le Tribunal de la Commune IV

« Des dispositions meilleures ont été trouvées autour des débats sur l’homosexualité, pour mettre en accord tout le monde dans le vocable général d’‘’atteinte à la pudeur ‘’. »

« Je crois que le déroulement des travaux est satisfaisant. Parce qu’à la pratique, nous avons vu qu’il y a beaucoup de failles dans les différents codes, beaucoup de lacunes qu’il fallait combler et aller aussi vers certaines innovations. Par exemple, il y a eu dans le code pénal proposé une avancée sur la reconnaissance de l’autorité positive de la chose jugée à l’extérieur, que si quelqu’un commet une infraction à l’extérieur, jugé et condamné là-bas, on n’a plus besoin de porter plainte contre lui ici au Mali.

Entre autres, le code prend en compte, aussi bien les Droits de la défense que ceux des parties civiles. C’est un code qui présage de ne pas concentrer les pouvoirs dans les mains de quelques-uns seulement, en sorte que le pouvoir soit reparti en plusieurs portions et entre plusieurs instances. Que le procureur ait une partie, que le juge d’instruction une partie, et que la chambre de contrôle des instructions une partie…, afin d’encadrer les pouvoirs des uns et des autres.

Les débats ont été certes houleux, mais francs.  Ils sont nombreux, ceux qui veulent qu’on incrimine l’homosexualité. Mais, je crois que des dispositions meilleures ont été trouvées pour mettre en accord tout le monde dans le vocable général d’‘’atteinte à la pudeur ‘’, en sorte que ceux qui se sentiraient choqués en face de l’incrimination de l’homosexualité, voient leur préoccupation pris en compte, tout comme ceux qui veulent qu’on l’incrimine. »

Mohamed Maouloud NAJIM : Président de la Commission Permanente Législative ; Directeur national de l’Administration de la Justice et des sceaux

« Cette grand-messe du donner et du recevoir a répondu à nos attentes et nous a mis en harmonie avec nos coutumes et nos engagements vis-à-vis de la communauté internationale »

« Je salue les qualités des discussions et des propositions et je réitère ma reconnaissance à l’endroit de l’USAID Mali Justice Project. L’activité en question repose essentiellement sur l’amélioration des textes juridiques relatifs au code pénal et code de procédure pénale. Cet événement est né d’un processus qui remonte de plusieurs années.  Je me réjouis d’avoir tenu, vaille que vaille en surmontant des adversités de tous ordres, quelques fois dans le doute et l’incertitude, devant l’immensité des tâches et des enjeux face à la modestie des moyens. C’est un honneur pour moi d’avoir mis à contribution ma modeste personne dans cette œuvre grandiose. Cet atelier a permis de faire le toilettage des textes qui sont muets et peu explicites. C’est un moment d’échanges fructueux, qui a donné la possibilité d’apporter des innovations dans les textes, afin de répondre aux réalités de la justice. Cette grand-messe du donner et du recevoir a répondu à nos attentes et à nos aspirations et nous a mis en harmonie avec nos us et coutumes, nos engagements vis-à-vis de la communauté internationale et notre immersion effective dans le monde contemporain en matière de droit et de justice ».

Achérif Ag ASSALAT : Chargé de volet Justice Droits Humains au Centre d’assistance et de Promotion des Droits Humains

« Pendant l’atelier, nous avons eu la chance de participer aux débats, de formuler des propositions d’amélioration »

« Je me réjouis très sincèrement d’avoir participé à cet important atelier de validation pour plusieurs raisons : D’abord, c’est un atelier attendu, parce que nous avons pris connaissance de cette volonté de réviser le code pénal et le code de procédure pénale depuis des années. Aujourd’hui, c’est chose faite. Je crois que c’est une avancée notable et je m’en réjouis énormément. Mais, nous nous réjouissons d’autant plus que ces 2 textes prennent en compte les préoccupations majeures des organisations de la société civile, notamment celles dédiées aux Droits de l’Homme. Le Centre d’assistance et de Promotion des Droits Humains a vu ses attentes comblées notamment dans la criminalisation de l’esclavage et les pratiques assimilées, dans les questions de violences basées sur le genre et la protection des victimes et des témoins qui constituent aujourd’hui, les préoccupations majeures, des problèmes réels qui affectent les populations. Pendant l’atelier, nous avons eu la chance de participer aux débats, de formuler des propositions d’amélioration ».

Adama SAMASSEKOU : Président du comité d’Experts pour l’élaboration du programme national d’Education aux valeurs ; ancien ministre de l’Education nationale

« Je me rends compte que la famille judiciaire est composée majoritairement de femmes et d’hommes qui sont ancrés dans leurs cultures et dans leurs valeurs »

« Je félicite toutes les équipes qui ont travaillé pendant des années sur ces dossiers et je me réjouis de l’opportunité qui nous a été offerte d’en être au niveau des débats, parce qu’ils sont extrêmement enrichissants.

Je ne suis pas un technicien, mais je vois qu’il y a un gros effort d’alléger la question des peines. Je crois que la proposition de ne pas mettre de plancher au niveau des peines et de mettre un plafond qui peut aussi donner de la flexibilité aux juges pour pouvoir décider est une bonne perspective. J’ai beaucoup apprécié que l’exercice ait donné lieu à un débat très enrichissant où je me rends compte que la famille judiciaire est composée majoritairement de femmes et d’hommes qui sont ancrés dans leurs cultures et dans leurs valeurs et qui sont confrontés à un choix. Nous avons une souveraineté qui doit se réaliser dans la manière de gérer notre cité. Il faut qu’on revienne à nos fondements et c’est cela qu’on appelle ‘’la refondation ‘’. C’est un acte politique plus fort qui concerne tous les compartiments de l’Etat. J’en ai donc appelé à la refondation de l’arsenal juridique, tout en créant un espace permanent jusqu’à ce que le processus de travail soit achevé entre les tenants de l’arsenal juridique moderne et ceux de la tradition et de l’histoire de notre pratique du Droit ».

Propos recueillis par Charles MESSE