Mali : Avis d’Expert de Nouhoum TAPILY sur la relecture du Code Pénal et de Code de Procédure Pénale
Dans le cadre du lancement depuis le lundi 15 Août 2022, des travaux de l’atelier de validation des avant-projets de Code Pénal et de Code de Procédure Pénale à l’hôtel Maeva de Bamako, monsieur Nouhoum TAPILY : Magistrat ; Premier président de la Cour d`Appel de Bamako ; ancien Président de la Cour Suprême ; Expert et Personne ressource, nous donne son avis d’expert sur la relecture du Code Pénal et de Code de Procédure Pénale.
« La première mouture du code pénal après l’indépendance du Mali a été adoptée en 1961. Après cela, la plus grande relecture de ces codes a eu lieu en 2001. Et depuis cette année, ni le code pénal, ni le code de procédure pénale n’a fait l’objet d’aucune relecture systématique. Or comprenez que le monde a évolué. L’environnement dans lequel nous vivons est devenu un village planétaire. Les infractions se sont multipliées, parce qu’avec le progrès de la technologie et de la science, de nouveaux outils sont apparus dont certaines personnes malintentionnées se servent à d’autres fins. Donc, les codes de 2001 ne répondaient plus aux préoccupations de l’heure.
Dès lors, il est nécessaire d’incriminer de nouveaux comportements comme étant des faits infractionnels pour répondre à la quête de justice de nos concitoyens. C’est dans ce cadre-là que depuis 2016, le ministère de la justice a entrepris une grande œuvre de relecture des deux principaux codes de l’instrument de répression des crimes et délits à savoir le code pénal et le code de procédures pénales. Donc, cette relecture est nécessaire pour se conformer aux réalités actuelles, non seulement de notre société, mais aussi et surtout du monde dans lequel nous évoluons. Il est important aussi de voir que ces relectures viennent à point nommé, parce qu’il fallait nécessairement adapter l’outil de répression aux nouvelles tournures de la vie en société, tant il est vrai que le droit est là pour réguler les comportements dans la société. C’est-à-dire de dire ce qui est permis et ce qui est interdit surtout en ce qui concerne la matière pénale
Il faut reconnaître que les membres de la Commission permanente Législative ont ratissé large, parce que l’avant-projet de Code pénal comprend plus de 700 articles contre 328 dans le texte en vigueur ; et celui du Code de procédure pénale comprend près de 1400 articles contre 634 dans le texte en vigueur. Donc, de nouvelles infractions ont été créées, de nouveaux mécanismes mis en œuvre ont été imaginés et mis en place pour mieux répondre aux besoins et à la quête de justice de nos concitoyens.
Si depuis 2001, cette relecture n’a pas été faite de manière systématique, je ne crois pas que ce soit un manque de volonté, mais certainement que les conditions n’étaient pas favorables. Malgré les efforts qui ont été fournis çà et là, c’est peut-être aujourd’hui que les conditions ont été réunies objectivement et financièrement. Aujourd’hui, le Mali est un acteur majeur du Traité de Rome, de la Cour Pénale Internationale et de plusieurs organisations communautaires sous régionales notamment l’UEMOA et la CEDEAO, qui ont ciblé aussi des infractions dans la vie économique de leurs Etats membres qu’il faut domestiquer dans notre droit positif. C’est donc, une œuvre de longue haleine et non de courte durée.
Je suis satisfait de la manière dont les travaux se déroulent. Les débats sont certes houleux, mais assez francs. Ce ne sont pas des problèmes de personnes, mais des débats d’idées. C’est bon que des juges se rencontrent pour échanger et surtout pour se mettre d’accord sur certaines notions importantes, dont ils font usage quotidiennement. Il y va aussi, pas de l’unification, mais de l’uniformisation et de l’harmonie dans les décisions qui sont prononcées par ci et par là, à travers le pays.
Nouhoum TAPILY : Magistrat ; Premier président de la Cour d`Appel de Bamako ; Ancien Président de la Cour Suprême ; Expert et Personne ressource
Propos recueillis par Charles MESSE