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Mali : Interview à cœur ouvert de Boubacar Toutou KANTE du CONABEM

Après sa sortie honorable de la présidence du conseil national des Bureaux de Placement payant et Entreprises du travail temporaire du Mali (CONABEM), Boubacar Toutou KANTE a bien voulu nous recevoir dans les bureaux de l’une de ses entreprises. Il nous a parlés de sa décision de ne pas s’accrocher au pouvoir, de ses entreprises, de ses intérêts et activités au Mali et en dehors du pays, des impacts de la covid sur l’économie malienne, de la division au sein du patronat et des chefs d’entreprises qui se lancent dans la course à l’élection présidentielle.

Né à Mahina, dans le cercle de Bafoulabé, où il commence son cursus scolaire, il obtient en 1975 son Diplôme d’étude fondamentale (DEF). Après son baccalauréat malien, 2e partie, obtenu en 1979 au lycée régional de Kayes, Boubacar Toutou KANTE rentre à l’Ecole nationale d’administration (ENA). En 1985, il sort avec un diplôme en Administration publique (mention bien). Plus tard, il complète ses études jusqu’à l’obtention d’un MBA en gestion des Ressources Humaines.

Journal la Réussite Mali : Dans quel contexte a lieu l’assemblée générale de fin de mandat à la tête du CONABEM, et pourquoi avez-vous choisi de partir, alors que beaucoup de leaders s’accrochent de nos jours au pouvoir ?

Boubacar Toutou KANTE : L’assemblée générale du CONABEM qui a vu mon départ de la présidence de cette faîtière, s’est déroulée dans un contexte de fraternité, de convivialité et de bonne coopération. J’ai choisi de partir volontairement, parce que j’estime avoir fait deux mandats successifs de 2013-2021. Je crois que ça suffit pour que je puisse partir et laisser la place aux autres. J’ai fait ma part de mission et je suis parti en paix.

Journal la Réussite Mali : Quel bilan moral peut-on faire, après vos mandats en termes de réalisations ?

Boubacar Toutou KANTE : On peut citer entre autres, la réalisation de plusieurs modules de formation dans le cadre du renforcement de la capacité opérationnelle des agents de nos cabinets ; la promotion de la convention n°181 de l’Organisation internationale du Travail ( OIT ) relative aux agences d’Emploi privées ratifiée et promulguée le 31 décembre 2016 par le Président de la République ; la participation active à la relecture du code de travail, du code de Prévoyance sociale et de la convention collective de la géologie et des mines ; l’obtention d’un siège équipé et fonctionnel ; l’obtention de deux sièges au conseil d’administration de l’ONEF; d’un poste de vice-président délégué au sein du bureau du CNPM ; l’amorce d’un début de partenariat avec plusieurs structures comme FAFPA; l’APEJ; SOS Mali; la coopération suisse, COFINA; et bien d’autres encore.

Nous avions commencé avec 15 cabinets et à la date d’aujourd’hui, nous sommes au nombre de 58. Il y en a d’autres qui sont là en train de taper à la porte, ça prouve à suffisance que les choses sont en train d’évoluer de façon positive. Donc le bilan moral est satisfaisant.

Journal la Réussite Mali : Quelle est votre plus grande satisfaction et votre plus grand regret à la tête du CONABEM ?

Boubacar Toutou KANTE : Ma plus grande satisfaction est d’asseoir les bases juridiques de la profession (convention OIT, code du travail, partenariat public- privé).

Mon plus grand regret, c’est la concurrence déloyale à laquelle nous faisons face tous les jours. Car certains cabinets n’existent que de nom. Cette situation est en train de ternir l’image de ce que nous faisons.

Journal la Réussite Mali : Qu’est-ce que vous avez fait concrètement pour assainir l’environnement RH au Mali ?

Boubacar Toutou KANTE : Par rapport à cette situation, nous avons attiré l’attention du département, du service technique et de tous nos partenaires sur la nécessité d’assainir la profession. Je crois que le gouvernement en a pris acte. Déjà, il y a une commission qui va statuer d’ici la fin du mois, sur les différentes dérives constatées çà et là, afin de pouvoir maîtriser la situation. Il s’agit d’une commission tripartite, composée de 4 membres issus du ministère de l’emploi, 4 membres issus du conseil national du Patronat du Mali (CNPM), et 4 membres issus de l’union nationale des Travailleurs du Mali (UNTM).

Journal la Réussite Mali : Parlez-nous de vos entreprises, de vos activités, de vos intérêts au Mali et en dehors du Mali ?

Boubacar Toutou KANTE : Après mes études, j’ai travaillé successivement au Comité de coordination des actions des ONG (CCA ONG) et à « Save the Children ».  Plus tard, après avoir décroché un MBA en gestion des ressources humaines, je me suis lancé dans l’entreprenariat privé en créant en mai 1986, la société Malienne de gardiennage, d’entretien et de services (SOMAGES), puis en 1992, la société Universal Prestations Services (UPS). Plus tard, nous avons mis en place le Global Service Supplies (GSS) qui intervient principalement dans la gestion des Ressources Humaines en Côte d’Ivoire et en Guinée.

En dehors de cela, nous évoluons dans les domaines des Mines et des Carrières, des services Informatiques et également dans l’Energie solaire. En gros, voilà, les quelques entreprises que nous avons pu mettre sur pied. Soit une dizaine dans la sous-région. Il y a beaucoup de difficultés certes, mais nous évoluons avec beaucoup de passion.

Journal la Réussite Mali : Dites-nous, comment ont été vos débuts en entrepreneuriat ?

Boubacar Toutou KANTE : Concernant mes débuts en entrepreneuriat, il faudra dire d’abord que nous sommes des jeunes diplômés, sortis des écoles supérieures du Mali. Aucun d’entre nous n’a fait ses études à l’extérieur. Nous avons créé la structure ensemble avec les moyens de bord. La différence est notre technicité, notre sérieux et notre engagement. Nous croyons en ce que nous faisons. C’est ce qui nous a emmené là où nous sommes aujourd’hui. Ça n’a pas été facile, mais, nous étions animés par notre volonté et notre savoir-faire que nous apprenons au fur et à mesure. Lorsqu’on tombe, on se relève et ainsi de suite. Heureusement, les clients nous ont fait confiance ! Nous ne pouvons pas nous décourager, car c’est pour la survie. C’est ça notre force fondamentale. Si tu as un autre moyen pour gagner ta vie, tu as le choix. Mais, nous nous n’avons que ça à faire. C’est pile ou face. Ça passe ou ça casse, donc nous sommes obligés de nous accrocher.

Journal la Réussite Mali : Parlez-nous maintenant de vos passe-temps et intérêts en dehors des entreprises ?

Boubacar Toutou KANTE : Je suis plus dans le social, dans l’humanitaire. Je participe activement aux activités du Rotary Club de Bamako. De Juin 2020 à Juin 2021, je fus le président élu du Rotary club Bamako Djoliba, lequel club est affilié à Rotary International. Je suis aujourd’hui membre bienfaiteur et donateur majeur. « Le Rotary, c’est très simple : Servir les humains ! Être utile dans ta communauté et ton entourage, dans tout ce que tu fais ». Sur le plan professionnel, il faut être le meilleur, à défaut, être parmi les meilleurs. C’est cela la devise.

Journal la Réussite Mali : Seydou Mamadou COULIBALY se lance dans la politique après une carrière d’entreprenariat. Est-ce votre rêve aussi ?

Boubacar Toutou KANTE : Non, ce n’est pas mon rêve de faire encore une carrière politique. J’avais commencé par la politique et ça a été un échec. J’étais même candidat aux élections législatives 1997, et j’étais favori. Malheureusement, les élections ont été annulées, alors j’ai tout abandonné par découragement, parce qu’il n’y a pas un retour sur investissement. C’est la raison pour laquelle je suis rentré dans le business et j’ai réussi. Je ne veux plus retourner en politique.

Quant à Mamadou COULIBALY qui s’est lancé dans la course à la présidentielle, il a ses raisons. Et je l’encourage vivement.

Journal la Réussite Mali : Que dites-vous de la division au sein du patronat ?

Boubacar Toutou KANTE : Le patronat, je pense qu’il faut rendre à César ce qui est à César. Le bureau sortant a organisé régulièrement les élections. A l’issue de l’assemblée générale élective, le scrutin a donné monsieur SANGARE vainqueur. Après, il y a eu une autre tendance dirigée par le président sortant, dont les formes n’ont pas été respectées. Les élections qui ont été tenues, à l’issue desquelles monsieur SANGARE a été élu, sont les meilleures. Le reste relève des interprétations personnelles sur lesquelles, je n’ai pas grand-chose à dire. En tant que vice-président chargé de la trésorerie de l’ancien bureau du patronat et vice-président dans le nouveau bureau du patronat, je sais qu’il y a eu beaucoup de palabres. L’affaire est allée au tribunal et la justice a donné raison au président SANGARE. Mais la procédure judiciaire continue de suivre son cours. Pour ma part, je souhaite la paix pour tous.

Journal la Réussite Mali : Votre dernier mot sur la covid-19 et l’économie du Mali ?

Boubacar Toutou KANTE : La covid-19 est venue s’ajouter à la crise multidimensionnelle existante, pour mettre toute l’économie du Mali à terre. Mais Dieu merci, la résilience des opérateurs économiques maliens a contribué à stabiliser le pays. Ce qui reste, c’est que l’Etat malien intervienne pour soulager la souffrance des populations, en débloquant le fonds de la covid 19 destiné aux entreprises.

Propos recueillis par Charles MESSE