Sucess story

Mali : La success story de Mamadou Sinsy COULIBALY

L’ultralibéral Mamadou Sinsy COULIBALY préside depuis octobre 2015,  le Conseil national du patronat du Mali (CNPM). Avec cette forme d’autorité naturelle que l’on retrouve chez les sages africains, il s’exprime lentement, d’une voix monocorde. Que l’on adhère ou pas à ses idées, l’homme a un don pour capter l’attention.

Avec une casquette toujours vissée sur la tête, Mamadou Sinsy COULIBALY est d’allure discrète. Il est pourtant l’un des hommes d’affaires les plus riches et les plus influents du Mali.

Président fondateur du groupe Kledu, son empire très diversifié s’étend de l’imprimerie numérique aux médias (Mali vision, Radio Kledu, Kledu Events…), en passant par le tourisme (Tam Voyages), l’assurance, l’agrobusiness, la restauration, la distribution de courrier ou les nouvelles technologies. Il est un touche-à-tout de l’entreprise qui assure « marcher au feeling, se fier au bout de son nez ». Le groupe Kledu, qui porte le prénom de sa mère et de sa fille, emploie 1 800 personnes et compte aujourd’hui une cinquantaine de sociétés au Mali, dont la plus importante est Malivision qui présente un chiffre d’affaires annuel de 25 millions d’euros.

Dans l’hôtel discret du VIIe arrondissement de Paris où il a ses habitudes – « tout le monde me connaît ici, je me sens en famille et il y a du personnel malien » – l’ancien mécanicien se montre humble et décomplexé. « J’ai toujours été motivé pour faire un tas de choses. Dès qu’il y a une opportunité qui se présente, je monte, je fonce. Il n’y a pas de calcul de rentabilité, jure-t-il. Je suis un employeur qui ne gère rien du tout. Je ne fais que lancer des challenges. »

L’homme a du bagou et de l’imagination à revendre. Après des études à Mopti puis à Bamako, il arrive à Paris où il explique avoir commencé sa carrière d’homme d’affaires en créant une société de surveillance au milieu des années 1970 « dans l’un des quartiers les plus chauds du nord de la capitale ». « Les supermarchés étaient souvent menacés par des petits bandits, se souvient-il. J’ai eu l’idée de demander à des copains comédiens de jouer aux gendarmes et aux voleurs à l’intérieur du magasin, puis de provoquer de fausses arrestations musclées près des caisses afin de dissuader les vrais voleurs de piquer dans les rayons… Ça a bien marché mais, au bout d’un an, le directeur du supermarché, sous la pression de diverses associations, a fini par arrêter le contrat. »

Il migre ensuite aux Etats-Unis où il crée une entreprise de pompes funèbres « spécialisée dans les enterrements à l’africaine ». Il revend la société deux ans plus tard avec une belle plus-value et investit dans une compagnie aérienne à Haïti.

De retour au Mali en 1979, il lance Sahel Musique, une entreprise spécialisée dans la vente de matériel vidéo et prend des parts dans des sociétés immobilières, d’assurances…

Au début des années 1990, après la chute du régime de parti unique, il participe à l’émergence du mouvement démocratique au Mali en investissant notamment dans les médias. « Radio Kledu a de gros moyens et joue la carte du professionnalisme, écrit Le Monde, dans un reportage signé de Bamako en 1993. Elle appartient à un richissime homme d’affaires dont le but, semble-t-il, est de se faire connaître et de gagner de l’influence plus que de l’argent. »

Quand on lui parle de corruption ou de mauvaise gouvernance, le natif de Dakar dénonce le secteur public et la classe politique. « Les sociétés qui viennent investir au Mali se jettent dans les mains des fonctionnaires qui sont corrompus, assure t-il. Ce n’est pas le privé, ni la société civile qui le sont mais le domaine public, en tout cas un certain nombre d’entremetteurs qui traînent dans les ministères et font croire qu’ils ont accès aux ministres, au président de la République… Ils disent qu’il faut graisser [corrompre] à droite, graisser à gauche. Il est possible de faire des affaires ici sans graisser qui que ça soit ! Dans les ministères où, contrairement à ce que j’ai dit, on travaille moins que quatre mois par an, vous risquez de vous faire plumer de la plus belle façon qui existe. »

Farouche défenseur du compagnonnage, celui que tout le monde surnomme « Coulou » se présente en garant de la réussite des affaires au Mali. Selon lui, il y a tout à faire dans ce pays « où tous les secteurs sont actuellement porteurs : de la santé à l’agroalimentaire en passant par le bâtiment… Je suis prêt à accompagner personnellement tous ceux qui veulent créer leur entreprise, la développer et gagner leurs premiers sous.

Il faut placer l’entreprise au centre de l’économie de ce pays. » Même dans le centre du Mali qui, après le nord, menace de s’embraser ? « La situation sécuritaire n’est pas bonne selon les critères européens, admet-il. A l’exception du tourisme, il y a tout à faire ou à refaire. De la maternité au cimetière… »

 « Pionnier des “business angels” »

En 2005, le groupe Kledu a acheté 300 hectares de terrain à une trentaine de kilomètres de Bamako dans le but d’encourager le développement socio-économique de la région. C’est aujourd’hui un complexe où l’on pratique l’élevage (il y a notamment 3 000 autruches), l’apiculture, l’agriculture biologique et la laiterie. Le groupe a également beaucoup misé sur le numérique. « Le digital fait partie de ses priorités, indique Mohamed Diawara, président de la Fédération des entreprises informatiques du Mali. Il accompagne le développement de l’emploi des jeunes. » « Il a été le pionnier des “business angels” [investisseurs providentiels] dans ce pays, ajoute Mahamat Traoré, président du Conseil national de la jeunesse du Mali. En tant que président du CNPM, il a lancé plusieurs initiatives pour les jeunes entrepreneurs dont il est devenu une sorte de mentor. »

 « Il serait indécent de rouler dans une voiture qui coûte 100 000 euros dans un pays où le salaire minimum est de 100 euros », argue-t-il.

Faut-il voir comme un paradoxe l’immense bâtisse de plusieurs dizaines de pièces dans lequel il habite au centre de Bamako, qui a accueilli près de 300 personnes en clôture du sommet Afrique-France et compte même quelques crocodiles au milieu du jardin ?

« Cette maison de style baroco-roccoco-soudano-sahélien n’est pas un héritage, répond-il, avec cette voix toujours posée. J’ai mis trente ans pour la construire. Avec ce bâtiment, je veux montrer qu’on peut faire de grandes choses sur ce continent et même construire des châteaux, comme en France entre le XVe et le XVIIe siècle. Au Mali, on peut gagner beaucoup d’argent, mais il faut beaucoup travailler. »

SOURCE : Le Monde

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