A l’heure de la mondialisation, l’industrialisation constitue la cheville ouvrière de tout pays en proie à la modernité
« Une semaine pour promouvoir l’entreprenariat des jeunes et femmes au Mali » est le thème de la 1ère édition du Salon de l’Entreprenariat et des PME qui a clôturé ses travaux le vendredi 26 juillet 2019, au Centre International de Conférences de Bamako (CICB). En marge de ce salon, nous avons rencontré le président de l’Organisation Patronale des Industriels (OPI) Cyril ACHCAR. Il s’est prêté à nos questions.
1-Qui est Cyril ACHCAR?
Je m’appelle Cyril ACHCAR, Président de l’Organisation Patronale des Industriels (OPI) et vice Président délégué à l’industrie dans l’actuel du bureau du CNPM dirigé par notre Président Mamadou Sinsy COULIBALY. Je suis également dirigent d’entreprises évoluant dans l’agro-industrie notamment le GIE-AMI qui est une société de droit malien depuis plus de 60 ans.
Mes distinctions honorifiques sont :
- Chevalier de l’Ordre National du Mali,
- Chevalier du Mérite Français
- l’Officier National du Mali.
2–Le salon de l’entreprenariat et des PME (SALEP) qui se déroule du 22 au 26 juillet 2019 au Centre International de Conférence de Bamako (CICB), a révélé des jeunes talents maliens. Quelles impressions cela vous donne sur l’avenir du Mali ?
L’organisation de ce salon est une belle initiative pour laquelle nous félicitons le gouvernement à travers madame Safia BOLY, ministre de la Promotion des Investissements, des petites et moyennes Entreprises et de l’Entreprenariat national. Il faut en effet susciter chez les jeunes, l’esprit de créativité et d’entreprenariat puisque l’Etat ne peut pas offrir de l’emploi à tout le monde. Ce salon de l’entreprenariat et des PME est la bienvenue et l’OPI se réjouit de son organisation.
3-Quelle est la problématique de l’industrie au Mali ?
C’est une grande interrogation ! Mais il faut savoir que notre industrialisation bien qu’amorcée au lendemain de l’indépendance est toujours à la traine, cela malgré des gros efforts. Le taux d’industrialisation du Mali est très bas par rapport à ces voisions notamment la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Il faut trouver des solutions adéquates pour la relance même de l’économie et le Livre blanc sur l’industrie de notre Organisation syndicale est un recueil de solution. A l’heure de la mondialisation, l’industrialisation constitue la cheville ouvrière de tout pays en proie à la modernité.
4-Vous avez l’habitude de dire que le Mali a la chance d’être un pays en voie de développement, disposant d’énormes potentialités, d’une population jeune, futurs consommateurs et collaborateurs en qualité d’ingénieurs. Comment promouvoir ces opportunités et potentiels qu’offre le Mali en matière d’industrie ?
En parcourant le Cadre Stratégique pour la Relance Economique et le Développement Durable du Mali (CREDD-2019-2023), notre pays a effectivement d’énormes richesses et potentialités pour se hisser au niveau des pays industrialisés. Mais l’atteinte de cet objectif passe par des vraies réformes en profondeur, la mise en place des bonnes politiques, bref de la bonne gouvernance facteur indispensable pour le développement tout court.
5-Le zone ZLECAF a été lancée officiellement, pensez vous que le Mali est prêts pour compétir sur ce marché ? Pourquoi ?
La création de la zone de libre-échange est une initiative louable. Les chiffres ornant la zone de libre-échange continentale sont rutilants : un marché de 1,2 milliard de personnes, un PIB cumulé de 2500 milliards de dollars et 54 pays participants, consacrant ainsi la plus grande zone de libre-échange au monde. Cela fait plaisir ! Mais , il faut de même préciser que le libre-échange c’est l’abaissement des barrières tarifaires et non tarifaires pour fluidifier la circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux au sein d’un espace déterminé. Là débutent les difficultés car le libre-échange n’est certainement pas le laisser-faire. La compétition tout azimut induit par l’ouverture des frontières soumet les agents économiques à une règle simple : seuls les plus compétitifs survivent.
Partant de là, l’on peut observer que la compétitivité d’un pays et de ses agents économiques dépend de nombres d’éléments au rang desquels la fiscalité, le coût du travail, le niveau de salaire, le degré d’innovation, la politique monétaire. Plus ces éléments sont à l’avantage de certains pays, plus leurs agents économiques sont à même de se révéler les plus compétitifs dans la course qu’est le libre-échange.
Pour répondre à votre question, nous estimons que la signature de l’accord et son lancement, sans une véritable préparation en amont, ont été précipités,car pour que les africains puissent véritablement profiter de la zone de libre-échange continentale, il faut une vision et une planification pour préparer nos économies et ainsi rendre compétitif le marché africain.
6-Maintenant que les dés sont pipés, que doit faire les hommes d’affaires maliens individuellement et collectivement?
L’actuel Ministre de l’Industrie et du Commerce a rencontré le Secteur Privé il y’a un mois de cela à l’hôtel Shératon de Bamako, beaucoup de nos collègues opérateurs économiques ont déploré la faible implication du secteur privé dans le processus de la mise en place de la ZLECAF. Nous espérons que nos autorités se donneront les moyens afin que le secteur privé puisse profiter de la ZLECAF.
7-En temps que président de l’organisation patronale des industriels maliens, quelle est la place de la lutte contre la corruption sous votre mandat ?
L’OPI n’a pas un combat particulier contre la corruption, mais il reste clair qu’elle est un phénomène dangereux. Ses effets peuvent toucher toutes les couches sociales, ce qui freine, considérablement, le développement du pays à tous les niveaux. Malgré quelques « mesures » pour lutter contre ce phénomène, la corruption persiste au sein de notre pays hélas ! Les causes de la persistance de la corruption sont nombreuses. Cela va du plus haut sommet de l’Etat à la société civile.
Pour mener à bien la lutte contre la corruption, il est indispensable de mettre l’accent sur la séparation des différents pouvoirs : législatif, exécutif et judiciaire. Le système judiciaire est l’acteur « par excellence » de la lutte contre la corruption. Quand il ne joue pas son rôle ou lorsqu’il est atteint par la gangrène, tout le système devient corrompu. C’est dire qu’il faut un engagement ferme des politiques pour garantir l’indépendance totale du pouvoir judiciaire pour qu’il puisse faire son travail, et au besoin, instaurer une répression implacable de la corruption en son sein.
8-Avec les nouvelles reformes entreprises pour améliorer l’environnement des affaires au Mali, est ce que vous pensez qu’il y encore beaucoup de choses à faire pour attirer l’investissement ?
C’est vrai que des gros efforts sont déjà accomplis à date afin de faciliter et encourager les investissements notamment à travers le codes des investissements, la loi sur les PPP, la loi sur la création des zones économiques spéciales, le décret portant orientation de la commande publique vers la production national, mais il faut aller loin encore car notre pays malgré ses énormes opportunités, sa richesse demeure un pays dépendant de l’aide publique au développement, les importations sont toujours très élevées.
9- Votre dernier mot.
Le dernier mot c’est de vous remercier d’avoir pensé à notre Organisation Syndicale à travers ma modeste personne, pour parler industrie laquelle constitue l’arme de tout pays qui aspire à un développement durable et à une prospérité partagée !
Propos recueillis par Philippe Charles le Bon MESSE