Avis d'expertInvestissement

Mali : Avis d’expert du banquier et financier, Alfousseyni SANOU, sur la cherté de la vie

Dans le cadre de la conférence de presse du jeudi 11 août 2022 sur l’inflation et l’impact budgétaire des mesures d’atténuation adoptées par le gouvernement du Mali, le ministre de l’Economie et des Finances, Alfousseyni SANOU nous donne son avis d’Expert 

« Le contexte est marqué par la persistance des effets des crises institutionnelles, sociales, sécuritaires, sanitaires, de l’embargo de la CEDEAO et de l’UEMOA et de la crise ukrainienne. La crise institutionnelle a fortement perturbé les relations avec les partenaires techniques et financiers. Les appuis budgétaires généraux se font rares. La crise liée à la pandémie de la COVID-19, au-delà des aspects purement sanitaires, pèse sur les dépenses publiques parce qu’elle rend nécessaire un soutien plus important de l’Etat aux ménages pour amortir les impacts du renchérissement des opérations du commerce mondial (prix du fret maritime, des redevances portuaires, des containers et de toute la logistique) et du prix de certaines denrées alimentaires (chute de production de sucre et d’huile au Brésil, en Inde et en Malaisie). La crise sociale perturbait fortement l’activité économique, donc les recettes et la croissance, sans compter son impact sur le cadre de vie, le climat social, la résilience et la sérénité des populations. La crise sécuritaire à quatre dimensions (terrorisme, grand banditisme et narcotrafic, rébellion armée et conflits intercommunautaires) pèse sur les dépenses et les recettes budgétaires : accroissement des dépenses militaires au détriment d’autres secteurs et perte de recettes fiscales à hauteur de plus de 3% du PIB à cause de l’absence des services fiscaux et douaniers à certaines frontières et parties du pays.

A ces crises viennent s’ajouter en 2022, les sanctions de la CEDEAO et de l’UEMOA et la crise ukrainienne dont les conséquences ont fortement perturbé l’approvisionnement correct du pays et pourraient être négatives sur l’élan de la croissance amorcée en 2021. Dans le même temps, il fallait continuer de poursuivre les efforts allant dans le sens d’une meilleure trajectoire des indicateurs de performance économique et budgétaire en lien avec les programmes avec les partenaires techniques et financiers comme le Fonds Monétaire International (FMI) et les critères de convergence de la CEDEAO et de l’UEMOA.

Constat :

Toutefois et face à tous ces défis, l’économie malienne est ressortie résilience en 2021 avec une croissance de 3,1 % contre -1,2 en 2020 et un déficit budgétaire maitrisé à 4,7%contre 6,2% en 2020 pour une prévision de 5,5% en 2021. Le taux de chômage est ressorti à 6,5% en 2021 (contre 5,7% en 2020). Dans le même temps, il était de 7,7% en Afrique subsaharienne et de 6,2 % dans le monde. Le taux d’inflation est resté maitrisé malgré les tendances internationales et les crises (covid-19, embargo et crise ukrainienne). Ainsi en 2022, le Mali connait un taux d’inflation de 5% contre 4,6% pour l’UEMOA et 3,6% au plan mondial au premier trimestre 2022.

Pour les produits alimentaires de grande consommation, le taux en glissement annuel en 2022 est de 11% au Mali contre 12% en Afrique subsaharienne et 13% au plan mondial. En glissement trimestriel, l’impact des mesures et des stratégies de riposte de l’Etat a été déterminant. Le taux d’inflation trimestriel s’est situé au niveau le plus bas (0,5%) derrière le Benin (-0,6%) contre 0,8% au Sénégal, 1,5 en Côte d’Ivoire, 2,1 au Niger, 2,8 au Burkina, 3,3 au Niger et pour une moyenne UEMOA de 1,5%. Pour atteindre ces résultats, le Gouvernement a adopté une série de mesures tendant à assurer l’approvisionnement correct du pays en produits de première nécessité à un prix maitrisé et à maintenir le pouvoir d’achat des ménages.

Au titre de l’approvisionnement correct du pays en produits de première nécessité à un prix maitrisé : le Gouvernement, dans le cadrede l’atténuation des effets liés à la flambée des prix des denréesalimentaires à l’international, a pris les mesures spécifiques à savoir la réduction de 50% de la base taxable à l’importation de 300 000 tonnes de riz, 60 000 tonnes de sucre et 30 000 tonnes d’huile alimentaire (lettre 1108/MEF-SG du 12/11/2021) ; l’administration des prix des produits alimentaires pour éviter les augmentations injustifiées ; le renforcement des brigades de contrôle des prix de la Direction Générale du Commerce, de la Consommation et de la Concurrence (DGCC) ; les subventions accordées à EDM à hauteur de 63 milliards de FCFA en 2021 et 30 milliards de FCFA en 2022 pour continuer une distribution continue de l’énergie à un tarif fixe ; la suspension de la perception de la TVA sur les importations et les achats locaux de graines de coton ; le maintien du prix à la pompe malgré une augmentation moyenne de plus de 40% des prix des produits pétroliers : sans ces subventions, les prix à la pompe seraient de 1 136 FCA pour le gasoil et 1139 FCFA pour le Super carburant ; le maintien de la subvention du gaz butane jusqu’en Mai 2022.

Impact fiscal 2021 ET 2022 (janvier à juillet)

Les manques à gagner relatifs aux différentes subventions enregistrées au cordon douanier notamment sur la période du 1er janvier au 31 juillet 2022, les manques à gagner au cordon douanier sur les produits subventionnés par l’Etat s’établissent à 115,684 milliards F CFA dont 11,882 milliards F CFA sur les produits alimentaires ; 100,956 milliards F CFA sur les produits pétroliers ; 2,846 milliards F CFA sur les graines de coton. Soit au total, sur la période du 1er janvier 2021 au 31 juillet 2022, ces manques à gagner sont de 154,786 milliards F CFA.

Au titre du soutien direct aux ménages

Le Gouvernement a poursuivi la politique de subvention en matière de santé. Ainsi, plus de 15 milliards par an ont été engagés pour assurer lefinancement de la gratuité de certains services de santé notamment la césarienne, la lutte contre le paludisme, le sida, la tuberculose, le RAMED,les vaccins et certains médicaments.En appui direct aux populations vulnérables à travers le programme gouvernemental de transfert monétaires, 39 milliards FCFAont été distribués, pour l’instant, à 366.964 ménages, soit 90.000 FCFA par ménage.

Au titre de l’appui au pouvoir d’achat des ménages :

Le gouvernement a amélioré les conditions salariales à travers, entre autres, l’unification de la grille à un indice plafond de 1.382 FCFA pour le personnel relevant des statuts des fonctionnaires de l’Etat, des Collectivités territoriales et des statuts autonomes et militaires, l’augmentation des indemnités de différents corps de métier pour un coût global d’environ 200 milliards FCFA. Ensuite, il a renforcé la résilience des acteurs économiques en liquidant plus de 310 milliards de FCFA d’arriérés de dettes fournisseurs et prestataires. Enfin il a effacé des dettes fiscalesen faveur des entreprises impactées par la COVID-19 à hauteur de plus de 30 milliards FCFA notamment les entreprises du secteur de l’hôtellerie, du tourisme, du spectacle et de la restauration.

A noter que le Gouvernement a par ailleurs consenti plus de 57 milliards FCFA pour la subvention aux intrants agricoles, 87 milliards FCFA à la relance de la filière coton, 115 milliards FCFA à la relance de OMH, 600 millions FCFA pour la COMATEX, … »

M. Alfousseyni SANOU : Ministre de l’Economie et des Finances du Mali ; Expert et professionnel des Banques et des Finances 

Propos recueillis par la rédaction du journal la Réussite Mali en ligne sur www.lareussitemali.com